Retrouvez l’allocution prononcée par le père Pablo Pico, curé de Lens, à l’occasion du 150e anniversaire de la fanfare Edelweiss.
Lens, samedi 7 juin 2025
Bénédiction des costumes à l’occasion du 150ème anniversaire de la fanfare Edelweiss
Chères musiciennes, chers musiciens,
C’est le cœur rempli de gratitude que je m’adresse à vous ce soir à l’occasion de votre 150ème anniversaire. Votre longévité manifeste la pertinence de votre société villageoise. Votre histoire ne date pas d’hier. Votre fanfare s’enracine dans le temps. D’autres vous ont précédés dans cette tradition musicale si vénérable en Valais. Le choix du nom Edelweiss dont vous êtes les nobles héritiers rappelle que vous êtes des musiciens alpestres, qui aspirent aux sommets de votre art musical, car pour trouver cette fleur, il faut s’élever bien plus haut que notre village de Lens.
Se dépasser, n’est-ce pas le propre de tout art. Le sportif, le peintre, le poète, le musicien, peut-être surtout lui, aspire au « toujours mieux ». Mais votre art est un art collectif. Vous aspirez à l’harmonie. Vous atteignez le sommet lorsque chaque groupe d’instruments atteint sa propre perfection et résonne d’une seule voix, d’un seul cœur. Les cuivres, les bois et les percussions, chacun dans son propre registre, contribuent à ce que le tout soit harmonieux. On pourrait vous attribuer la devise de notre pays : « Un pour tous, tous pour un » qui s’est imposée lors de la révision constitutionnelle de 1874, il y a tout juste 150 ans. « Un pour tous » lorsque le compositeur sollicite le talent d’un soliste qu’il met en valeur pour représenter la fanfare d’une manière plus individuelle. « Tous pour un » lorsque l’ensemble joue de façon unifiée avec une multitude de voix différentes qui s’associent pour créer l’harmonie.
En tant que voisin de votre local de musique, je bénéficie régulièrement de concerts gratuits : vos répétitions du vendredi soir.
Quelle bénédiction pour le quartier, spécialement à partir des beaux jours de printemps, lorsque vous ouvrez les fenêtres pour laisser la musique prendre son envol vers les sommets du village mais également pour apporter un peu de fraîcheur dans vos rangs serrés que bien des sociétés voisines vous envient. Dans ces moments de joies enivrantes, je vous avoue qu’il m’arrive de mimer tel ou tel instrument, surtout les percussions (c’est plus facile), et parfois même de danser sur un morceau entraînant tel que Bohemian Rapsody, Tom et Jerry ou le French Cancan. La musique réjouit l’âme.
C’est lors de ces « répét » que s’affine patiemment la maîtrise d’une pièce qui nécessitera tant d’effort pour un plaisir d’autant plus grand de parvenir à satisfaire tant le compositeur que l’oreille exigeante du directeur qui en demande toujours un peu plus pour pousser la société à la recherche de l’excellence. Bien souvent Frédéric interrompt un morceau en cours pour en reprendre une infime partie qui, ajoutée à toutes les mesures régulières et irrégulières de la pièce forme un tout cohérent. N’est-ce pas le propre d’une répétition que de sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier. Selon l’adage latin, Repetita juvant : « les choses répétées aident ». Loin de la facilité du virtuel, la fanfare est un apprentissage laborieux. L’Intelligence artificielle pourra peut-être composer un morceau chimiquement pur, mais elle ne pourra jamais souffler dans un cuivre ou dans un bois à votre place. Chat GPT pourra peut-être singer quelques mélodies, mais il ne pourra jamais marcher au pas lent et chaloupé lors de la procession de la Fête-Dieu ou lors de la fête patronale du premier août. Vous ne verrez jamais l’IA venir à l’église lors de la traditionnelle fête de l’Edelweiss du 31 décembre pour rendre grâce à Dieu, et prier pour tous vos membres défunts. Et en cas d’une panne générale d’électricité, l’avatar ne pourra pas vous remplacer dans l’exécution d’un morceau, alors que vous continuerez à égayer notre beau village de Lens, avec le seul art de votre génie et un peu de souffle.
Chères musiciennes, chers musiciens, mieux que quiconque vous êtes conscients que votre art requiert discipline, exigence, répétition. Avant d’atteindre l’harmonie, il faut passer par les fausses notes, les contretemps, les imprécisions, parce que votre art est humain, et que la perfection n’est pas de ce monde. « Errare humanum est », se tromper est humain, et toute fanfare est composée d’hommes, donc faillibles, et mêmes de femmes depuis 1998. Nous avons même appris hier soir lors du spectacle « On en parlera peut-être » que ces dernières forment un bon tiers de votre effectif.
La musique est à l’image de toute vie humaine, et surtout de la vie en société. Il faut sans cesse s’ajuster à son voisin. Parfois il nous énerve. Nous serions parfois tentés de jouer seul dans notre coin, de devenir un brillant soliste, solitaire plutôt que solidaire. Mais vous avez fait le choix de mettre votre talent au service d’un ensemble. Cela demande beaucoup de patience, mais la satisfaction d’une pièce bien exécutée en groupe est d’autant plus belle. Dans un film que j’aime beaucoup, appelé Into the wild, la morale de l’histoire est que « le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé ».
La jeunesse du village qui a rejoint la fanfare des jeunes ces dernières années manifeste la vitalité de votre société. L’école de musique ainsi que l’éveil à la musique pour les 4-7 ans, qui répètent chaque jeudi à la salle paroissiale, sont également un signe de bonne santé. Il n’y a pas d’âge pour apprendre à jouer.
Enfin, les nouveaux uniformes que nous allons maintenant bénir montrent que l’histoire de votre fanfare est non seulement ancrée dans le passé, mais qu’elle est ouverte sur le futur. Le plus beau de l’Edelweiss reste à venir. Telle une page blanche, une partition sans note est à votre portée, à vous d’en écrire la mélodie.
Bénir un costume peut surprendre. Rappelons-nous que bénir c’est dire du bien. Les destinataires d’une bénédiction sont toujours des personnes. Au-delà de l’uniforme, c’est donc vous, chers musiciennes et musiciens, que nous demandons à Dieu de bénir.
Je terminerai par l’évocation d’un passage biblique qui nous invite à louer Dieu par toutes sortes d’instruments de musiques. Parce que certaines joies ne peuvent se traduire par le langage rationnel, la musique permet d’épancher le cœur joyeux trop plein d’amour. Ecoutons le dernier psaume, le psaume 150 :
Alléluia ! Louez Dieu dans son temple saint, louez-le au ciel de sa puissance ;
louez-le pour ses actions éclatantes, louez-le selon sa grandeur !
Louez-le en sonnant du cor, louez-le sur la harpe et la cithare ;
louez-le par les cordes et les flûtes, louez-le par la danse et le tambour !
Louez-le par les cymbales sonores, louez-le par les cymbales triomphantes !
Et que tout être vivant chante louange au Seigneur ! Alléluia !
Bénir vos uniformes en cette veille de Pentecôte, en un jour pluvieux comme aujourd’hui, c’est tout un symbole. En effet, la pluie est un signe de bénédiction, pour la terre, mais surtout pour l’âme. C’est le signe de la descente de l’Esprit-Saint sur les apôtres et sur toute l’Eglise que nous célébrerons demain. J’en profite pour remercier l’Edelweiss de n’avoir rien prévu demain matin dans les festivités de cette fin de semaine. Cela permettra aux couche-tard de se reposer un peu avant la messe de 10h00.
Prions le Seigneur :
Dieu notre Père, nous te rendons grâce pour ta création, spécialement pour le génie humain qui par son art veut manifester la joie qui habite son cœur. Nous te rendons grâce pour la fanfare Edelweiss, et te demandons de bénir leur nouvel uniforme. Béni également chacun de ses membres, afin qu’ils puissent goûter et faire goûter ici-bas quelque chose des joies éternelles qui attendent dans l’au-delà tous ceux qui t’auront accueilli dans cette vie.
Et que la bénédiction de Dieu tout-puissant descende sur vous, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ! Amen.
Abbé Pablo Pico, curé de Lens-Icogne